Quand j’ai démarré mes relations de vie administrative, c’était encore l’époque où faire ses lettres à la main était banal. Lettres de demande de remboursement à la sécurité sociale, recherche d’un premier job, envoi de documents au centre des finances publiques…
Et ma mère me disait toujours : 1 lettre = 1 demande.
Injonctions contraires
Écrire une lettre, sans rature (jusqu’au dernier mot), bien équilibrée, sans pencher, ça demande du temps et de la concentration.
Alors l’envie de profiter d’une lettre pour demander autre chose, était très tentante.
Mais même malgré mes « Non mais je demande juste… » Ma mère me répétait inlassablement « 1 lettre = 1 demande ».
Mais pourquoi ?
De son côté mon père me disait quand tu utilises une feuille, on doit couper un arbre.
Malgré mes « Mais non, avec un arbre on peut faire plusieurs feuilles, et même des cure-dent avec ce qu’il reste », il répondait inlassablement :
« Pour faire une feuille il faut couper un arbre. »
(J’ai mis 20 ans à comprendre.)
Alors j’ai tenté la confrontation : profiter d’une lettre pour faire deux demandes et ainsi préserver un arbre, mais… Non !
« 1 lettre = 1 demande »
Quelle incohérence ! (J’ai même tenté 2 lettres pour 2 demandes dans 1 seule enveloppe, mais non…)
Prolongations numériques ?
Aujourd’hui on est passé aux mails, donc, c’est bien plus simple de rédiger droit, de copier coller un même paragraphe qui serait valable pour plusieurs destinataires, donc, on devrait moins rechigner à appliquer « 1 lettre = 1 demande ».
Et pourtant, profiter d’un mail pour demander ci ou ça pendant qu’on y est reste très tentant. On pense faire gagner du temps à notre interlocuteur, en ne lui envoyant qu’un seul mail, pour ne pas le submerger d’envois ou profiter qu’on est en train de lui écrire pour lui demander autre chose tout simplement.
Et la raison écologique reste valable : moins de mails, moins de disques durs qui conservent et sauvegardent nos mails.
Donc, pourquoi ne pas rassembler nos demandes ?
Que se cache derrière cette injonction ?
Tentative de parallèle
Vous connaissez en psychologie l’effet de la porte ? Quand on oublie ce qu’on est venu chercher à peine avons-nous passé une porte.
Du saut de paragraphe à la porte
Quand on passe une porte, notre cerveau se concentre sur le nouvel environnement, et fait alors abstraction de ce qui a été pensé dans l’environnement précédent.
Il s’opère à peu près la même chose pour le lecteur d’une missive. Mettons-nous à sa place :
Vous recevez un email. Un premier paragraphe vous demande quelque chose, un second paragraphe vous demande autre chose.
Admettons que le premier paragraphe porte sur une requête qui demande des recherches. Vos yeux se détournent de la lettre, vous fouillez vos dossiers, vous rédigez votre réponse et vous envoyez votre réponse. Dossier classé. Et la seconde demande passe à la trappe. D’autant qu’il n’est même pas nécessaire de reprendre le nom ou l’adresse du correspondant et donc son courrier, ce qui permettrait avec un peu de chance de repenser à la seconde demande, puisqu’il suffit de cliquer sur « répondre ».
Ou la seconde demande est simple, vous avez déjà la réponse. Vous y répondez aussitôt. Hop, le mail est parti. Et si, en survolant votre messagerie, vous revoyez ledit mail, comme vous avez le souvenir d’y avoir répondu : dossier classé.
S’ensuivra alors un deuxième mail de votre correspondant pour vous relancer sur l’autre demande, restée sans réponse. Et hop, la raison écologique est tombée dans l’eau.
Un mail, une demande. Et je profite de cet article pour… 😉